« Modélisation, simulation et immersion dans les fictions artistiques »
La question de l’intermédialité abordée en 2009 a permis d’entrevoir son caractère ambivalent en regard de l’immersion fictionnelle. Il s’agit maintenant de reconduire cette question de l’immersion dans ses rapports à la modélisation et à la simulation. La table-ronde du vendredi 5 février aborde la question de l’immersion dans les fictions artistiques à travers une présentation des œuvres de Marion Tampon-Lajarriette et Martin Beauregard.
On tentera d’envisager trois situations et leurs interactions, celle du monde réel, celle de l’immersion fictionnelle et celle de l’immersion non-fictionnelle pour les rapporter à l’œuvre artistique. On prendra acte tout d’abord que l’immersion qui est une caractéristique importante de la fiction ne lui appartient pas en propre, on peut s’immerger dans un paysage réel ou être immergé par une émotion intense. Faut-il alors souscrire avec Marie-Laure Ryan que l’immersion fictionnelle atteint dans la fiction « une intensité sans précédent, car la modélisation d’un monde imaginaire n’est pas soumise à la censure qui limite les représentations du monde actuel à l’information vérifiable » ?
Mais comment décrire au préalable, les interactions entre l’immersion fictionnelle et le monde ? Le processus d’immersion réside dans une inversion des hiérarchies entre l’attention au monde et l’attention accordée au caractère illusoire de la représentation (Schaeffer, 2009). Dans l’immersion fictionnelle, le monde fictif ne prend pas la place du monde réel : il y a coexistence des deux mondes.
Cette coexistence suppose des échanges, « des rentrées et sorties » entre le monde fictionnel et le monde réel comme dans le jeu enfantin où l’on sort provisoirement du jeu pour en (re)négocier les règles du « comme-si » et mieux s’y replonger. Mais, cette comparaison avec le jeu a-t-elle un sens par rapport à l’œuvre d’art ? Par ailleurs, peut-on parler d’immersion partielle ou d’immersion totale ? L’immersion partielle ou l’immersion totale relève-t-elle d’une simple question d’intensité ou en définitive de l’illusion ?
Martin Beauregard : « Simulations de l’image et du dispositif cinématographique. Étude de l’approche intermédiale en pratique photographique ».
Je propose de contribuer à la thématique « Modélisation, simulation et immersion dans les fictions artistiques » à partir d’une pratique personnelle de la photographie. Dans cette intervention, j’insisterai sur l’aspect intermédiatique de la simulation. En premier lieu, nous verrons que la simulation s’enracine dans une pensée de l’image et du dispositif cinématographique, où la photographie reproduit en partie les conditions de représentation du film. En second lieu, nous montrerons comment la simulation de l’image et du dispositif cinématographique renouvèle la valeur conceptuelle de ces deux notions, la diégèse et la narration, ce que révèlera le passage du cinéma dans l’espace d’exposition d’art contemporain.
Marion Tampon-Lajarriette
Le travail vidéo et photographique de Marion Tampon-Lajarriette puise dans les œuvres marquantes du cinéma, mais aussi dans la télévision ou la presse. Il s’insère dans ces systèmes de représentation pour en dégager, notamment, des états psychiques et pour déterminer comment les images hantent notre rapport au réel. Chez elle, le remake se conjugue aux évolutions récentes des nouvelles technologies et à une pratique interactive de l’image qui interroge la place du spectateur. Elle parle d’un « au-delà des bords de l’image où de nouveaux parcours sont possibles. Par des déambulations libres, on passera peut-être à côté de l’événement, ce qui permettra justement d’assister à cet à-côté du spectacle et de parcourir le hors-champ infini de l’image » .
Marion Tampon-Lajarriette est née à Paris en 1982. Diplômée de l’École nationale supérieure d’art-Villa Arson à Nice et de l’École nationale supérieure des beaux-arts de Lyon, elle a complété ses études par un master en art et nouveaux médias à la Haute école d’art et de design de Genève. Son travail a été montré en France, Suisse, Angleterre, Allemagne, Espagne, Mexique ainsi qu’en Russie. Il a été exposé notamment au Palais de Tokyo (Paris, 2010), au MAMCO (Genève, 2009), à la Maison Européenne de la Photographie (Paris, 2009), au GCCC-Garage Contemporary Culture Center (Moscou, 2009), au Musée Les Abattoirs (Toulouse, 2009), à l’Universal Cube (Leipzig, 2007) à la Cinémathèque Française (Paris, 2007), au Festival Printemps de Septembre (Toulouse, 2008 et 2009). En 2009, elle a reçu la Bourse fédérale d’art (Suisse). Elle vit et travaille à Paris et à Genève.