81e du Congrès de l’Acfas
Université de Laval, Québec
Colloque 349 – « Géofictions » : fictions, espaces et cartographie dynamique
Responsable(s)
Bernard GUELTON Université Panthéon-Sorbonne (Paris 1), Renée BOURASSA Université Laval
Description
À l’heure où un nombre croissant d’artistes, de géographes et de narratologues en viennent à croiser et
à interroger leurs expériences et savoirs réciproques[1], l’équipe de recherche fictions & interactions de l’UMR ACTE développe ses investigations et ses expérimentations au centre de ces rencontres et de ces croisements. Le séminaire doctoral 2012-2013 intitulé « Géofictions » propose de rencontrer un certain nombre d’artistes, de géographes et d’écrivains sur ces questions.
Dans les fictions canoniques (cinéma, littérature), la perception du sujet est scindée entre l’environnement réel et l’univers imaginé. En situation d’immersion, l’attention à l’univers fictionnel finit par absorber presque entièrement la conscience du sujet, tandis que le corps est majoritairement immobilisé. Les déplacements et les actions qui sont au fondement même de la construction de l’espace perçu sont réactivés mentalement et accompagnés le plus souvent d’une implication
émotionnelle. L’exploration de l’espace fictionnel se produit à l’intérieur de la conscience du sujet à
partir des représentations et des médias qui servent de support aux fictions artistiques.
Que deviennent la recréation et l’exploration de l’espace fictionnel lorsque celui-ci ne se conçoit plus du point de vue d’un sujet immobile, mais à travers ses déplacements et ses actions dans les jeux en réalités alternées? Une part croissante d’artistes met en œuvre des situations en réalités alternées qui ménagent des confrontations entre univers réels, virtuels et fictionnels. Ici, l’espace physique, devient le cadre pour déployer un engagement fictionnel où les actions, la mobilité du sujet et les interactions avec d’autres participants deviennent déterminantes. Les outils virtuels impliqués dans les réalités alternées peuvent alimenter et augmenter des situations réelles, mais aussi développer des contextes fictionnels. L’articulation entre ces contextes réels, virtuels et fictionnels restent pour une grande part à préciser.
La cartographie dynamique peut constituer un élément essentiel pour structurer ces différents contextes et ces œuvres sous le mode des réalités alternées. Elle permet de coordonner la géolocalisation des participants, leurs interactions, les contenus fictionnels associés à des emplacements réels dans un espace souvent urbain avec les scénarios et les règles mises en jeu.
En partant de cette problématique ancrée dans les recherches récentes de l’équipe Fictions & interactions sur les immersions, on envisagera avec plusieurs invités un questionnement plus général sur la notion de géofiction.
Vendredi 10 Mai 2013
8 h 30 – 17 h 15
« Géofictions », fictions, espaces et cartographie dynamique
Communications orales
Bâtiment – Local : Pavillon Charles-de Koninck – 1451
8 h 45 Bernard GUELTON Université Panthéon-Sorbonne (Paris 1), Renée BOURASSA Université Laval
Mot de bienvenue
9 h 00 Bernard GUELTON Université Panthéon-Sorbonne (Paris 1)
« Géofictions », fictions, espaces et cartographie dynamique
Que deviennent la recréation et l’exploration de l’espace fictionnel lorsque celui-ci ne se conçoit plus du point de vue d’un sujet immobile, mais à travers ses déplacements et ses actions dans les jeux en réalités alternées ? Une part croissante d’artistes met en œuvre des situations en réalités alternées qui ménagent des confrontations entre univers réels, virtuels et fictionnels. Ici, l’espace physique, devient le cadre pour déployer un engagement fictionnel où les actions, la mobilité du sujet et les interactions avec d’autres participants deviennent déterminantes. Les outils virtuels impliqués dans les réalités alternées peuvent alimenter et augmenter des situations réelles, mais aussi développer des contextes fictionnels. L’articulation entre ces contextes réels, virtuels et fictionnels restent pour une grande part à préciser.
La cartographie dynamique peut constituer un élément essentiel pour structurer ces différents contextes et ces œuvres sous le mode des réalités alternées. Elle permet de coordonner la géolocalisation des participants, leurs interactions, les contenus fictionnels associés à des emplacements réels dans un espace souvent urbain avec les scénarios et les règles mises en jeu
9 h 45 Alice FORGE Université Panthéon-Sorbonne (Paris 1)
Géofictions : le réseau Internet comme support d’espaces fictionnels et lieu de survivance d’utopies
Nous proposons d’étudier les fictions et utopies numériques qui relèvent du concept de géofiction, et leur déploiement dans l’espace du réseau. Le réseau, espace immatériel, structure infinie dont la forme nous échappe, saturé d’informations dont la pertinence et la validité est constamment mise en question, autorise les fictions et utopies à se faire fantômes numériques, et les artistes et créateurs de géofictions à développer des stratégies neuves pour faire exister le doute.
L’essor de la technologie rend de jour en jour les réseaux plus accessibles, et ils ne cessent de croître. Ils nous entourent et nous accompagnent quotidiennement. Les réseaux sont une impossible cartographie des savoirs humains, embrassant le factuel, le fictionnel, l’utopique et le situé dans un même mouvement, sans limitation apparente dans le temps, sans restrictions apparentes ; Ces qualités l’apparentent à la notion de géofiction. Ne peut-on dire qu’il s’agit d’une forme d’utopie en soi, qui ouvre un large champ de possibilités fictionnelles
? Quel est le statut de cet espace dématérialisé ? Est-il possible de définir le réseau comme un espace fictionnel ? Quelles sont ces nouvelles stratégies fictionnelles offertes aux artistes? Quel rapport entretient la création fictionnelle avec cette espace sans forme,
échappant à toute tentative de cartographie ou de définition ?
10 h 30 Pause
10 h 45 Marie-Christiane MATHIEU Université Laval
« Musique de char », autoradio 2012-2014 : l’expérience du paysage fictif
L’accompagnement radiophonique dans la culture de la voiture est un élément important du
voyage depuis que l’autoradio a trouvé sa place tout près du volant en 1925. Très rapidement dans son histoire, la programmation radiophonique pensée en fonction de l’automobiliste s’est implantée dans l’expérience du déplacement. Inscrit dans la vaste culture automobilière et le réseau autoroutier, notre projet en recherche-création tire profit des multiples dimensions qu’offre l’habitacle mobile de la voiture dans la création d’une oeuvre sonore pour l’autoroute 20, entre Québec et Montréal . Musique de char – autoradio
2012-2014 prend en compte les «réalités complémentaires mais distinctes : des espaces constitués en rapport à certaines fins et le rapport que les individus entretiennent avec ces espaces»(Marc Augé, 1992). Le projet explore, par les nombreux processus de la création, les phénomènes de superposition de trois espaces – l’habitacle suspendu de la voiture, le corridor autoroutier et le paysage traversé. Ces trois ensembles constituent des dispositifs distincts mais poreux qui facilitent la percolation de l’imaginaire dans le réel, une expérience vécue par l’automobiliste où fiction et réalité s’entremêlent dans le rapport dynamique du déplacement??
11 h 30 Xavier BOISSARIE Orbe
Le spectateurjoueur : une mutation du spectateur par le code
En fusionnant le jeu, le théâtre et la rue, les expériences de réalité alternée brouillent la frontière entre spectateur et joueur.
La rencontre des règles et normes de l’espace public avec les règles du jeu propose un champs d’expérimentation fertile. Deux projets du collectif Orbe illustrent cette démarche : le Laboratoire de la Dérive et Murmures Urbains.
Ces expérimentations sont basées sur un dispositif délivrant des consignes selon un système de règles pilotées par des algorithmes. La contrainte imposée ainsi aux participants de l’expérience débouche sur une émancipation paradoxale.
12 h 15 Dîner
13 h 45 Renée BOURASSA Université Laval
Quand la fiction prend place dans l’arène du monde : immersion dans les jeux de réalités alternées
Qu’est-ce qui peut nous conduire par delà la surface de l’écran, la page du livre ou le cadre de scène, cadres pragmatiques instaurant habituellement la fiction? Que se passe t’il lorsque les frontières traditionnelles qui déterminent la coupure sémiotique entre l’environnement réel où se situe le sujet et l’univers fictionnel s’atténuent? Et comment ces dispositifs immersifs engagent-ils la présence sociale dans une culture participative? Ce sont les questions que posent les jeux de réalités alternées. Il s’agit d’un ensemble de pratiques faisant appel aux réseaux sociaux ainsi qu’aux outils internet devenus d’usage courant dans notre quotidien.Les jeux de réalités alternées dessinent un spectre d’expériences amalgamant les activités de la réalité quotidienne et les systèmes virtuels pour forger des intrigues complexes, où intervient de façon active une communauté en ligne engagée dans une collaboration interactive pour résoudre le mystère proposé.Ces formes narratives et ludiques combinent le récit interactif, les jeux et les médias sociaux. Le jeu prend place dans le tissu même de la vie courante.La narration est disséminée de façon fragmentaire dans une série de médias variés. Les jeux de réalités alternées jouent parfois dans le registre du faux documentaire et sur la frontière du cadre pragmatique où s’institue normalement la fiction, qu’ils fragilisent sans toutefois l’abolir.
14 h 30 Pause
14 h 45 Olivier CAÏRA
Du territoire à la diégèse ludique : espace et fiction dans la création de jeux de société
La plupart des grands jeux classiques (échecs, xiang qi, dames, go, awalé) se fondent sur une représentation de l’espace à mi-chemin entre abstraction et représentation. L’échiquier est à la fois pavage carré 8×8 et champ de bataille. La création de jeux de société peut, encore aujourd’hui, partir de recherches purement géométriques, notamment sur les pavages du plan, pour ensuite incorporer des mécanismes ludiques (placement, blocage, parcours, collecte, poursuite, construction, etc.) et des éléments thématiques (guerre, sport, enquête, etc.) formant une véritable diégèse ludique.
En partant de trois jeux centrés sur la Libération de la France en 1944, on étudiera les rapports entre les territoires impliqués (les plages normandes, la batterie de Merville, Paris) et opérations conjointes de mise en simulation et de thématisation réalisées par les auteurs sur un contenu historique particulièrement sensible. On suivra en particulier le développement d’un projet, Paris 44, qui rompt avec la thématique de l’insurrection urbaine pour élargir la question des actes de résistance, et qui tente d’exploiter les particularité géographiques de la capitale comme autant de ressources ludiques.
15 h 30 Igor GALLIGO Université Panthéon-Sorbonne (Paris 1)
Spatialiser la lumière urbaine : vers la fictionnalisation de l’espace urbain
Notre propos tentera d’expliquer la signification et la construction d’une « fiction urbaine lumineuse », c’est-à-dire d’un jeu de lumières favorisant par une exposition choisie, un parcours visuel narratif d’un espace urbain nocturne. L’illusion, la feintise ou la suggestion d’un imaginaire peuvent être des procédés de cette fictionnalisation, qui emprunte nombre de ses conceptions et méthodes à la scénographie. Nous déclinerons cette notion du point de vue d’un observateur immobile face à un paysage urbain lumineux et du point de vue d’un observateur en déplacement dans un espace urbain lumineux. A partir des enjeux et des débats soulevés par la conception lumière urbaine, nous présenterons ensuite les problèmes épistémologiques et politiques posés par la « fiction urbaine lumineuse » afin de réfléchir à leurs développements possibles à travers l’idée d’un dispositif lumineux de réalité augmentée.
16 h 15 Jean-Ambroise VESAC Université Laval
Compte rendu de création : Hupareel, un projet géolocalisé en réalités alternées?
Les premières étapes de la réalisation sont de déterminer où sont les lieux réels du jeu et d’inventer un monde fictionnel en relation à eux. Pendant le jeu, le participant se promène sur un territoire acquis à sa réalité quotidienne, mais en explore en fait un second, une sorte de théâtre mobile. Il se met donc en scène et performe son rôle en inscrivant son espace mental dans l’espace présent de l’action??
Cette communication offre un compte rendu de création, du point de vue de la réalisation, du projet de géofiction Hupreel, initié par Renée Bourassa, Bernard Guelton et Paul Devautour. Particulièrement, elle tente de préciser les possibilités de création offertes par la cognition spatiale et la transformation du parcours en théâtre mobile.
La création d’un projet géolocalisé interroge notre rapport à la géographie dans notre expérience corporelle vécue. Ainsi, la conception est guidée par la contrainte locale. Où! Par delà le cadre, la géofiction a comme intérêt de procurer une expérience unique ne pouvant
être connue que localement (ici), dans des temporalités multiples. En effet, les projets de réalités alternées combinent l’expérience concrète provenant du terrain et de son hybridation par la simulation, augmentée par les technologies mobiles. C’est l’expérience d’un devenir dans l’espace hybride des réalités mixtes.
17 h 00 Bernard GUELTON Université Panthéon-Sorbonne (Paris 1), Renée BOURASSA Université Laval
Mots de fin